La jeune ménagère – 5

Bonjour, et bienvenue dans ce tuto « Devenir une Femme Respectable™ ». Les « épisodes » précédents sont ici :

La Jeune ménagère – 1

La Jeune ménagère – 2

La Jeune ménagère – 3

La Jeune ménagère – 4

Et bien entendu le Hors-Série sur LE VÉSICATOIRE, ici.

Nous voilà donc arrivées à un chapitre particulièrement léger : Les Ravages de L’alcoolisme dans un ménage. Youhou.

Si ce sujet est difficile pour vous, n’hésitez pas à aller lire celui où on scarifie des enfants revenir un autre jour où nous parlerons des Dangers du pétrole, des Pansements humides, ou de la Reprise ouvragée des serviettes (toutes connaissances précieuses également délivrées par ce manuel inestimable.). Accrochez-vous à vos vésicatoires, on est parti·e·s.

Au moment où le père Bernard allait se retirer, la porte de la maison s’ouvrit brusquement, et une femme s’élança en criant avec un air d’épouvante : « Cachez-moi, madame, cachez-moi…, par pitié!… » Sans attendre la réponse, elle se précipita dans le jardin, dont la porte était ouverte et la tira derrière elle.

Il était temps. Un ouvrier parut, brandissant un énorme gourdin. Les yeux hagards, il hurlait : « Où est-elle ? » Il jeta un coup d’œil dans la pièce et vit les trois spectateurs, muets d’effroi. Il s’avança en titubant : « Vous n’avez pas vu ma femme ? … Ah ! La gueuse!.. Si je l’attrape, gare à elle : elle m’a appelé fainéant ! Vous entendez…, fainéant ! »

[ Le type décide finalement de boire un coup, Louise répond qu’elle n’a rien à boire, puis sort pour chercher la police, le type s’exclame : « Ah ! vous voulez appeler la police, dit-il ; vous ne me connaissez pas. On a sa fierté ; quand on ne me reçoit pas de bon cœur (je rappelle qu’il est entré dans une maison qui n’est pas la sienne, bourré comme un coing, un gourdin à la main, en hurlant), soyez tranquille, je ne reste pas… Mais ma femme payera tous ces affronts-là. C’est bon, c’est bon. » Puis il sort. Louise va chercher la femme qui s’est cachée dans le jardin.]

-Vous pouvez partir, madame : votre mari est éloigné.

-C’est que, voyez-vous, à l’idée de rentre chez moi, le courage me manque.

Et c’est difficile de lui en vouloir.

-Mais n’avez-vous pas d’enfants ?

Je donne à cette phrase la note de Aucun Rapport/20. A moins que la question soit : y a-t-il un enfant seul chez vous puisque vous êtes ici et que l’homme est également dehors avec son énorme gourdin. Si c’est le cas, je suggère de faire quelque chose. N’importe quoi. Mais quelque chose.

-Non, dit la femme d’un air sombre. J’en avais un, tout petit, que j’aimais bien : il est mort. Le médecin m’a dit : il est rachitique et malingre comme tous les enfants d’alcooliques…

Ah oui, super parcours de soin, excellente prise en charge.

Je n’en ai plus, je n’ai de goût à rien, et, plutôt que d’être battue toute la journée, j’aimerais mieux mourir.

J’avais prévenu que ce n’était pas un article très orienté bien-être.

Elle se mit à pleurer.

Une nouvelle fois : une réaction fort compréhensible.

le père Bernard était resté muet jusqu’alors ;

Le père Bernard, je vous le rappelle, c’est le menuisier qu’on a appelé pour faire un devis, et qui trouve ça bien malin et ingénieux pour les femmes de faire des armoires et de se débarbouiller la figure car ça évite aux hommes d’aller AU CABARET. Entre vous et moi, je redoute un peu le moment où il va donner son opinion.

mais il dit : -Fanny, votre mari n’a pas toujours bu. Étant garçon, il avait de la conduite.

-C’est pourtant vrai : je n’ai jamais su comment il s’est mis à boire.

-Quand les hommes rentrent du travail, Fanny, il faut qu’ils trouvent la maison propre et la soupe faite.

Ah bah tiens, grosse surprise. Bernard pense que c’est la faute de la jeune femme si son mec ivre la poursuit avec un énorme gourdin pour lui taper dessus. Bien sûr, c’est l’évidence même.

Autrement, il fuient ;… et où vont-il, sinon

Vous l’avez ? J’espère que vous l’avez.

au cabaret.

IMPECCABLE. Merci Bernard, fallait pas. D’ailleurs qu’est-ce que tu fous là, hein, Bernard ? T’as pas une armoire de toilette à construire ? Attention car tu es bien oisif et l’oisiveté est la mère de tous les vices et le temps c’est de l’argent et te voilà sur la pente glissante du péché qui t’emmène directement AU CABARET, gros mascu pourri.

-Ça vous est facile à dire, monsieur Bernard,

Ahah, dans tes chicards, Bernard.

mais je n’ai pas le temps de faire du ménage, moi : je suis brossière. Toute la journée, je travaille pour gagner un peu d’argent.

La double journée des femmes. Oh, d’ailleurs, on a retrouvé la date de parution de ce délicieux ouvrage : 1903 (ce qui explique qu’il n’y ait pas de référence à la première ni à la deuxième guerre mondiale) ; information utile pour rappeler que les femmes ont toujours travaillé -ce n’est pas une invention farfelue post-soixante-huitarde.

On ne meurt pas de faim pour ne pas manger de soupe. Le charcutier est près de chez nous, et je vais toujours chercher un morceau de viande quand mon homme arrive.

-Cela ne vaut pas une bonne soupe bien chaude, et cela coûte plus cher, dit Louise. Peut-être le gain de votre travail est-il ainsi perdu.

Ici, donc, une parenthèse vegan, relativement inattendue, je dois l’avouer.

-Je n’en sais rien, répondit la femme. D’ailleurs, je fais comme j’ai vu faire à maman.

-Oui, mais tu sais aussi comment ça marchait chez vous, fit le père Bernard avec la franchise des gens du peuple. Tu as été mal élevée, ma pauvre Fanny, et ce qui arrive aujourd’hui devait arriver, c’est sûr.

Mais il est encore là, lui ?!?

Mais Louise jugea que le moment était mal choisi pour morigéner la jeune femme,

Merci, Louise.

et, avec bonté, elle coupa court à l’entretien en disant :

-Rentrez chez vous, madame. J’irai vous voir un jour. Peut-être trouverons-nous un moyen de corriger votre mari.

Quoi, hein, non, mais enfin, ne la renvoyez pas chez elle où l’attend un mec ivre avec un gourdin, enfin !

-Oh ! merci, dit la brossière émue, vous êtes bonne.

C’est-à-dire que eh bien

Elle prit la main de Mme Raimbaud avec reconnaissance, et s’éloigna lentement, comme à regret.

-La voilà partie, la malheureuse. Quel taudis que son logement ! s’exclama le menuisier en désignant du doigt une pauvre maison située au bout de la rue.

Alors Bernard, pour bitcher il y a du monde ; pour fabriquer des armoires de toilette : plus personne.

Tous les jours il y a des querelles, des cris, des batailles. Quatre ménages habitent là-dedans. Quand les hommes sont dehors, les femmes sortent sur leur porte, et les bavardages commencent.

Juste pour préciser le contexte, donc, le type s’incruste pour dire du mal de ses voisins et après il reproche aux femmes de se livrer au bavardage. La paille la poutre la Charité et toutes ces sortes de choses.

Que de fois je les ai vues à l’entrée de l’étroit corridor, en plein courant d’air, avec des nourrissons sur les bras ! Et l’on s’étonne, après cela, que ces marmots attrapent des bronchites et des fluxions de poitrine !

Bernard, sans vouloir te commander, occupe-toi bien de ton cul.

NOTIONS A RETENIR :

Les mesures capables d’enrayer l’alcoolisme sont du domaine de la morale seule.

Rien à voir avec une maladie donc, ahah, nous voilà verni·e·s.

L’alcoolique, en buvant, cherche moins un plaisir matériel que l’oubli de ses misères présentes, vraies ou imaginaires.

… certes ?

C’est donc aux femmes plus qu’aux médecins qu’il appartient de détruire l’alcoolisme.

Ah voilà, je me disais aussi, ça fait bien trois ligne qu’on n’avait pas répété à quel point tout ça c’est la faute aux gonzesses.

Un intérieur propre, une cuisine appétissante un visage souriant, beaucoup de bonne humeur, des enfants bien tenus : le foyer domestique aura vaincu

Aura vaincu ? Aura vaincu ? Aura vaincu quoi ?

le cabaret.

Allez, ça suffit pour aujourd’hui.

Pas de proverbe. Je vais au cabaret.

Une réflexion sur « La jeune ménagère – 5 »

Les commentaires sont fermés.